Le Mot du Recteur de l'UCAC

Université Catholique d’Afrique Centrale.

Face aux grands problèmes de l’Afrique noire, nous avons le devoir de modernité, d’audace et de créativité. Ce qui est le plus attendu de l’intelligentsia chrétienne en Afrique dans le domaine de la foi, de la pastorale, comme dans celui du développement, c’est la créativité. C’est pourquoi à la lumière de l’Ehortation Apostolique du Pape François Evangelii Gaudium et de la Constitution Apostolique Veritatis Gaudium, l’Eglise à travers ses structures à l’instar de l’UCAC doit promouvoir dans la théologie, le droit, les sciences politiques, l’économie, la théologie et la spiritualité de la création. Nous engageons progressivement l’UCAC à devenir l’instrument privilégié de cette attitude nouvelle et innovante qui sauvera l’Afrique en y provoquant de petites résurrections grâce à cette université.

Rév. Père Pr  Jean Bertrand SALLA - Recteur-UCAC

Grâce à notre université disait feu Monseigneur Jean ZOA lors de l’inauguration de ce campus d’Ekounou le 11 Janvier 1997 « Nous allons accélérer le mouvement et des réflexes de la création dans toutes nos communautés. La création permet de retrouver l’homme dans ce qu’il a d’essentiel et de fondamental, qui le rend frère et sœur de toute l’humanité » (cf. livret d’inauguration, p. 25). Ces paroles étaient providentielles. Car, ce campus qui abrite les formations d’économie, management des entreprises, marketing-vente, s’est enrichi de notre incubateur d’entreprises. Aujourd’hui, nous célébrons la naissance en son sein de la Faculté de Sciences Juridiques et politiques et de Gestion

Chers étudiants appartenant à la nouvelle Faculté,

N’oubliez pas cette parole du Bienheureux Paul VI : « La politique est une des formes les plus élevées de la charité ».

Dans un message vidéo adressé à des catholiques latino-américains exerçant des responsabilités politiques réunis en congrès à Bogota, le Pape François a encouragé les laïcs à assumer leurs engagements avec « cohérence ».

Il disait ceci : « Depuis Pie XII jusqu’à aujourd’hui, les Papes successifs ont toujours fait référence à la politique comme « la plus haute forme de charité ». La formule pourrait également se traduire comme le service inestimable du dévouement au bien commun.

« La politique est avant tout un service ; elle ne sert pas les ambitions individuelles, les factions dominantes et les intérêts particuliers. Elle n’est pas non plus une ‘patronne’ prétendant réglementer toutes les dimensions de la vie des personnes ».

« On pourrait affirmer que le service de Jésus – venu pour servir et non pour être servi – et le service que le Seigneur exige de ses apôtres et de ses disciples, est par analogie, le service demandé aux politiques, c’est un service de sacrifice et de dévouement, au point que parfois les politiques peuvent être considérés comme des « martyrs » du bien commun de leurs nations ».

C’est dire que « Le point de référence fondamental de ce service, qui exige de la persévérance, de l’engagement, de l’intelligence, est le bien commun sans lequel, les droits et les aspirations les plus nobles des personnes, des familles et des communautés intermédiaires ne pourraient être pleinement réalisés ».

Il conviendra donc dans le cadre de cette Afrique en construction politique, que notre Faculté de Sciences Juridiques et Politiques ne soit pas une simple duplication de ce qui a toujours été !!! Sa mission essentielle sera d’aider à réhabiliter la dignité de la politique. Il sera question de former une ressource humaine qui fait de la « bonne politique » en son sens le plus noble ; c’est-à-dire aider à instaurer dans nos pays de la sous-région, dans nos villes et villages, dans nos mairies et régions, « une vie politique véritablement humaine ».

Tout bien pesé, les peuples en Afrique veulent avoir des leaders passionnés par leur vie et leur destin. Ce sont ceux-là qui doivent animer la scène politique. « Ce qui est clair, c’est qu’il faut des dirigeants politiques qui vivent avec passion le service du peuple (…) solidaires de ses souffrances et de ses espérances ; des politiques qui placent le bien commun avant leurs intérêts particuliers ».

L’Afrique a besoin des dirigeants qui savent protéger la vie des peuples ; capables d’impulser une croissance industrielle autonome et durable, qui abordent avec courage le drame de la pauvreté et du chômage, en cherchant en même temps l’équité et l’inclusion sans négliger une éducation intégrale qui commence dans la famille et se développe à travers une scolarisation de qualité pour tous.

C’est aussi le défi de tendre vers des démocraties adultes qui nous interpellent, préservées des blessures de la corruption, de la démagogie et de l’autocratie. C’est tout cela qui favorise le respect des droits de l’homme, la justice et la paix (cf. Pape François 2017/12/14).

Monseigneur Jean ZOA évoquait déjà la maturité de l’Eglise quand le laïc assumera pleinement ses responsabilités. Il en est ainsi aussi dans le domaine public.

Lors du séminaire international sur « La politique, forme exigeante de la charité », tenu à Rome par le Conseil Pontifical Justice et Paix, du 20 au 21 Mars 2008, le Cardinal Renato affirmait que : « La politique reste un espace essentiel et un moyen fondamental pour la construction d’une société digne de l’homme ».

« Il est urgent pour les chrétiens de refuser les attitudes beaucoup plus diffuses aujourd’hui dans l’éthos collectif, de mépris de la politique, identifiée seulement comme une ambition où fleurissent : le cynisme, la corruption, le pouvoir démoniaque ».

Au contraire, le chrétien doit pouvoir se convaincre qu’il peut enrichir le milieu politique avec ce formidable ensemble de principes et de valeurs proposé par la doctrine sociale de l’Eglise. La dignité humaine, la solidarité, la subsidiarité, l’option préférentielle pour les pauvres, la quête de justice, la paix, la protection de la vie humaine, etc…

« La tâche des chrétiens sera donc de purifier et d’enrichir la ’’raison politique’’, comme nous le rappelle le compendium de la doctrine sociale de l’Eglise ».

Dans la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAC, la doctrine sociale de l’Eglise aura une place de choix. La répandre auprès des futurs dirigeants de nos Etats et des collectivités territoriales décentralisées est un impératif majeur. C’est d’ailleurs comme le soulignait le Cardinal Renato, « L’une des grandes priorités pastorales de nos Eglises appelées à évangéliser aussi la politique, à éclairer avec la lumière de l’Évangile tout ce qui, d’une manière ou d’une autre touche la politique ».

Le résultat attendu sera la suivant :

  • Une politique qui place la personne humaine toujours au centre, dans le respect de ses droits fondamentaux, et surtout du droit à la vie ;
  • Une politique comme service du bien commun ;
  • Une politique inspirée d’un humanisme intégral et solidaire ;
  • Une politique qui, selon le principe de subsidiarité, valorise les corps intermédiaires, surtout la famille fondée sur le mariage entre un homme et une femme ;
  • Une politique enrichie des valeurs de vérité, de justice et de charité ;
  • Une politique capable de régler avec justice et équité les rapports économiques, surtout le marché, avec un choix préférentiel pour les pauvres ;
  • Une politique capable de donner une orientation humaniste à la technique.

La question de la vérité deviendra un défi politique majeur dans un futur proche, en raison de la demande dramatique de sens posée à tous par l’évolution actuelle de la technique. Qu’il nous suffise d’évoquer les questions relatives à la manipulation de la vie, à la confiance aveugle dans les biotechnologies, au bouleversement dans le domaine de la communication politique avec l’irruption de la technologie informatique. On peut dire sans risque de se tromper que l’avenir du monde en général et de l’Afrique en particulier dépendra de ces révolutions que je viens d’évoquer. Tout cela ouvre des portes à des formes inédites d’asservissement de l’homme par l’homme et donc, des problèmes de politique et de droits nouveaux dont il faut anticiper l’encadrement au niveau du droit, et des valeurs. Notre monde universitaire est plus que jamais interpellé.

Et avec tout cela, c’est la question de l’autorité qui va s’imposer également comme un problème décisif en raison des difficultés croissantes de gouvernement générées par la fragmentation des libertés.

Il faut assurément dans ce contexte, repenser et réarticuler avec plus de flexibilité et subsidiarité, la question de l’autorité au regard de la complexité des situations du monde à venir. De même, la question de la vérité comme instance de garantie de la ’’coexistentia membrorum’’ se posera avec beaucoup plus d’acuité, si nous voulons vaincre la question lancinante des replis identitaires et les dynamiques centrifuges à l’œuvre dans le monde de notre temps. Le développement d’une dynamique de solidarité est dans ce sens un impératif plutôt catégorique.

En conclusion, l’Eglise s’intéresse à la politique non pour défendre ses intérêts, mais pour que la politique soit riche de valeurs au service de l’homme. Et le chrétien qui s’engage en politique peut aussi y trouver la route de sa sainteté. (Lire Gaudete et Exultale).

LE Cardinal Van Thuam proposait un stimulant texte qui résumait ainsi les béatitudes du politique :

  • « Heureux l’homme politique qui est conscient du rôle qui est le sien ».
  • « Heureux l’homme politique qui vit son honorabilité respectée ».
  • « Heureux l’homme politique qui œuvre pour le bien commun et pour le sien ».
  • « Heureux l’homme politique qui cherche à être toujours cohérent et respecte ses promesses électorales ».
  • « Heureux l’homme politique qui réalise l’unité et faisant de Jésus son centre de jeu ».
  • « Heureux l’homme politique qui sait écouter le peuple avant, pendant et après les élections ».
  • « Heureux l’homme politique qui n’éprouve pas la peur en premier lieu celle de la vérité ».
  • « Heureux l’homme politique qui ne craint pas les médias car c’est uniquement à Dieu qu’il devra rendre des comptes à l’heure du jugement ».

La particularité de cette année académique se situe au niveau pédagogique avec la formalisation du e-learning et du blended-learning. Nous avons décidé d’instituer l’enseignement à distance comme modalité alternative de » dispensation des savoirs à l’UCAC. Ceci, eu égard à l’évolution de la technologie en la matière et en considération des caprices de la pandémie à Coronavirus en milieu universitaire. Nous venons de créer une Direction de la formation à distance au sein de notre université.

C’est pourquoi nos campus de Nkolbisson et d’Ekounou sont arrosés de wifi gratuit pour tous les étudiants, les enseignants et les personnels administratifs. Nous pensons qu’il s’agit d’un outil de travail indispensable pour toute université qui se veut compétitive. Faites-en bon usage !

Et nous sommes convaincus que l’Université d’aujourd’hui et demain sera éminemment digitale. Et ainsi que le suggère fortement notre Ministre de tutelle, le Professeur Jacques FAME NDONGO, nous sommes entrain d’opérer une mue majeure en contexte de crise sanitaire ; c’est la révolution pédagogique et cybernétique. Celle-ci implique la numérisation accrue des enseignements et l’usage massif des nouveaux moyens de communications sociales.

Notre souhait est que, face à ces « Rerum Novarum » de notre temps, en matière de communication des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, qu’il n’y ait pas trop de résistance ou d’enfermement aveugle dans un passé devenu obsolète. Regardons vers l’avenir en exploitant au maximum ces nombreuses découvertes que le génie humain met à notre disposition, un aggiornamento permanent, une adhésion tous azimuts, et un sage arrimage aux nouveaux canons pédagogiques et aux outils que nous offre le monde numérique. Tout cela nous semble de bon augure pour le déroulement harmonieux de notre année académique en ces temps de mutations.

Investissez donc avec intelligence et passion ces nouveaux « aéropages des temps modernes » pour y chercher le juste, le vrai, le beau, le consistant et le constructif. Allez-y à fond, car, en matière d’accumulation des savoirs et des valeurs, l’obésité n’est pas à craindre.

Son Excellence Monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de l’Enseignement Supérieur du Cameroun insiste sur l’adéquation formation-emploi. Il s’agit d’une nécessité et d’une urgence eu égard au taux de chômage très élevé des jeunes diplômés en Afrique Centrale. L’UCAC pour répondre à cette nécessité a mis en place un incubateur d’entreprises au campus d’Ekounou. L’objectif visé est d’initier tous nos étudiants à la création d’entreprises, quelle que soit la Faculté fréquentée. Bien plus, nous avons créé une Ferme-UCAC désormais entrée dans sa phase de production afin de prêcher par l’exemple. Mais au demeurant, tous les enseignements délivrés à l’UCAC visent nécessairement l’employabilité des étudiants. Les curricula ont été revisités afin de les arrimer à cet objectif majeur.

Nous avons placé notre mandat rectoral sous le dyptique « Audace et Innovation ». Pour l’année académique 2020-2021 qui commence, la première innovation sera l’ouverture d’une Faculté de Sciences Juridiques et Politiques le 15 Octobre 2020 au campus d’Ekounou avec une capacité d’accueil de 1.500 places. Les travaux du Centre Hospitalier Universitaire de Nkongoa sur la route de Mfou à côté du Collège Père MONTI ont effectivement démarré sous la houlette de Monseigneur Jean MBARGA, Grand Chancelier de l’UCAC. Cette structure hospitalière permettra à nos 1700 étudiants de l’Ecole des Sciences de la santé de Messa d’arrimer la théorie médicale à la pratique.

En plus de ce qui précède, une Imprimerie est créée au sein de l’UCAC pour faciliter la production du livre et surtout des travaux scientifiques des enseignants et des étudiants. Enfin, le Département de l’Enseignement à distance est mis sur pied avec toute l’infrastructure et les outils nécessaires au e-learning et au blended-learning. Ceci nous permettra de faire de l’enseignement en ligne une modalité normale de dispensation des savoirs savants, des savoirs faire et des savoirs être.

Les peuples d’Afrique Centrale et du Cameroun en particulier nourrissent beaucoup d’espoir sur l’Université Catholique d’Afrique Centrale. Il faut donc que tous, étudiants, enseignants, personnels d’administration et d’appui, que vous soyez conscients de cette réalité, et que vous mainteniez allumée la flamme de la foi, la flamme de l’excellence, et la flamme de cet espoir pour l’Afrique.

Il vous appartient donc vous-mêmes, en tant que communauté, d’avoir le courage pour écarter des brebis galeuses qui pourraient s’introduire dans la bergerie. On ne doit jamais perdre de vue la sauvegarde de l’identité d’une Université Catholique dont l’objectif est d’assurer sous une forme institutionnelle une présence chrétienne dans le monde universitaire face aux grands problèmes de la société et de la culture (cf. Ex corde Ecclesiae n° 13). La transmission des valeurs chrétiennes et la reconnaissance d’un lien avec l’Eglise Catholique en tant qu’institution visible sont des éléments constitutifs de l’identité de l’Université Catholique.

Il convient de rappeler, voire stigmatiser que le caractère de l’Université Catholique est intimement lié à la qualité des professeurs et au respect de la doctrine catholique ; l’autorité légitime à la responsabilité de veiller sur ces deux exigences fondamentales. L’autorité compétente, stipule le Droit Canonique, a le devoir de veiller à ce que soient nommés dans les Universités catholiques des enseignants qui, outre leur capacité scientifique et pédagogique, se distinguent par l’intégrité de la doctrine et la probité de leur vie, et à ce qu’ils soient écartés de leur charge si ces conditions viennent à manquer, en respectant bien évidemment la procédure définie par les statuts (cf. can. 810).

Je voudrais conclure mon propos en formulant le vœu que chacun de vous puisse trouver ici à l’UCAC un cadre agréable de vie et un lieu paisible d’épanouissement physique, intellectuel, moral et spirituel.

Rév. Père Pr Jean Bertrand SALLA

Recteur