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Messe de l’Ascension 2021 UCAC

« Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? »

Chers frères et sœurs dans le Christ, bonne fête de l’Ascension à vous tous. Selon la tradition liturgique qui se fonde sur le livre des Actes des apôtres que nous avons entendu dans la première lecture, nous sommes au 40ème jour après pâques. Je voudrais nous inviter à un discernement sur le temps en lien avec l’interpellation des deux hommes en blanc aux disciples : « pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ».

Mais avant tout, Je suis tenté de faire recours à la pensée de Platon qui, dans son troisième ascension, montre que l’humain ne peut approcher le Divin que quand ce dernier aura pris l’initiative de venir à lui. En d’autres termes, l’homme ne peut connaitre Dieu que si Dieu initie cette relation. La nature humaine est faite pour regarder le ciel, attendant qu’il se manifeste, qu’il établisse un pont entre les deux mondes. L’incarnation de Jésus répond parfaitement à cette attente humaine. Et bien plus, comme s’il ne suffisait pas que le Divin se fasse humain, le Fils de Dieu retourne vers son Père avec la chair humaine. Il introduit l’humain en Dieu, il nous divinise. Voilà le sens de ce que nous fêtons aujourd’hui.

Retenons les trois éléments des dernières moments de Jésus avec ses disciples : durant un dernier repas, il leur donne l’ordre de rester à Jérusalem jusqu’à la descente de l’Esprit saint. Ensuite, remplis de l’Esprit Saint, ils auront la force d’accomplir la mission : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, jusqu’aux extrémités de la terre ». Enfin, les deux hommes de blanc vêtus ajoutent : Jésus, reviendra, tel qu’il est parti. Et nous chanterons tout à l’heure à l’anamnèse : « … nous attendons ta venue dans la gloire ».

Une question des disciples à Jésus mérite attention : « Est-ce maintenant que tu vas rétablir le royaume pour Israël ? » En d’autres termes, n’est-ce pas le Jour du Seigneur, tant annoncé par les prophètes ? Oui certes, ce jour est inauguré depuis le Jour de l’élévation du Fils de Dieu et les disciples en étaient tous convaincus durant les 40 jours de vie avec eux après sa Résurrection. Est-ce maintenant ? demande les disciples, la parousie, la fin de toute chose ? Jésus donne une réponse : Maintenant, c’est le temps de l’Esprit, ce temps doit s’écouler afin que le salut déjà accompli soit accueilli par l’humanité toute entière. Vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre, dit-il. Nous sommes, chers frères et sœurs dans cet entre deux-temps qui est le temps de l’Esprit, inauguré à Jérusalem le jour de la Pentecôte, ce temps qui sépare le déjà-là du royaume avec la mort et la résurrection de Jésus, et le « pas-encore » du Royaume qui est le retour glorieux du Christ.

En réalité, l’heure de l’Esprit est de demeurer sous l’impulsion de sa force, témoins de Jésus. Il ne s’agit pas de rester là à regarder le ciel mais d’aller vivre pleinement l’entre-deux, un entre-deux qui doit porter des fruits. Que dois-je faire maintenant et que doit faire l’Eglise jusqu’à l’avènement du Fils de Dieu ? Voilà la question qui doit nous préoccuper constamment dans notre vie au quotidien.

Les hommes de blanc vêtus, comme les clercs ici présents, nous interpellent : pourquoi rester là les mains tendues vers le ciel, au lieu d’aller œuvrer pour qu’il y ait plus de justice, et plus de paix dans les relations humaines. Il ne s’agit pas de regarder le ciel, non, car c’est ici-bas et maintenant que s’inscrit l’action à mener en tant que « témoins dans l’Esprit ». C’est ici-bas que nous avons à œuvrer avec la force de l’Esprit pour que Dieu soit manifeste en tout, pour qu’il soit, comme le dit Saint Paul, tout en tous. Une attitude à avoir nous est recommandée par saint Paul : « Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour; ayez soin de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. » En terre camerounaise, nous comprenons bien ce que veut dire « supporter » dans le domaine du football. Oui, il s’agit d’être de vrais supporters de l’autre, de valoriser l’autre. En réalité, nous sommes appelés à promouvoir le bien, à laisser le bien reprendre sa place dans nos paroles, dans nos actes. Car si nous promouvons le bien, le mal n’a plus de place. En effet, dans la pensée thomiste, le mal, est défini comme « absence du Bien ». Si l’humain fait être la présence du bien, le mal n’est plus. Chers frères et sœurs, nous sommes invités, en tant que témoins dans l’Esprit à poursuivre la mission du Seigneur, en construisant le corps du Christ par la croissance du Bien, du Vrai, du Juste, du Beau en chacun de nous.

La soif insatiable de l’humain, nous disait saint Augustin, c’est de résider en Dieu, car dit-il, « Tu nous as faits pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne réside en toi ». L’ascension, c’est la réalisation du désir profond de l’humain : Jésus introduit toute l’humanité avec ses hauts et ses bas, avec les traces des blessures humaines, les marques des clous dans la divinité pour l’éternité. Désormais, le corps humain est divinisé, à la droite du Père. En attendant son retour, nous sommes appelés à nous laisser guider par l’Esprit pour que le cœur de tous les humains vivent de l’Emmanuel. Il est monté, oui, mais il là, dans le quotidien, jusqu’à la fin des temps. Cette fête de l’Ascension met donc en relief la dignité de l’humain, de tout humain qui devient ainsi divin. Elle nous invite à l’espérance car nous sommes faits pour Dieu et nous sommes désormais en Dieu. Le ciel, ce n’est pas un là-bas, c’est dans un ici qu’on peut le saisir en attendant de pouvoir voir Dieu face à face. Que nous puissions obtenir l’Esprit pour discerner sa face dans le quotidien de notre vie, l’identifier dans le visage de nos frères et sœurs que nous sommes appelés à aimer et à servir.

Prions, afin que la célébration de cette fête de l’Ascension nous donne une meilleure connaissance, une connaissance intérieure de la personne de Jésus-Christ et de son Eglise habitée par l’Esprit. Que le temps qui nous sépare du retour du Christ soit rempli d’œuvre d’amour et de paix, signe par excellence de la présence du Seigneur dans son monde. Amen.

 

P. Epiphane Kinhoun, sj.

 

 

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