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Discours-du-Recteurs-du-Colloque-international-sur-la-guerre
  • Pr Luc SINDJOUN, Conseiller spécial du Président de la République ;
  • Pr Monique TCHUENTÉ, Inspecteur Académique numéro 02 au Ministère de l’Enseignement Supérieur, Représentante spéciale de Monsieur le Ministre d’État, Ministre de l’Enseignement Supérieur, Chancelier des Ordres académiques ;
  • RP Vice-recteurs,
  • Mme la Présidente du Conseil Scientifique
  • Dr OUMAR MOUSSA, Directeur au Centre d’Analyses Stratégiques du Ministère des Relations Extérieures, Représentant spécial de Son Excellence Monsieur le Ministre des Relations Extérieures ;
  • Mesdames et Messieurs les Chefs des représentations diplomatiques accréditées au Cameroun ;
  • Pr Alain Didier OLINGA, Conseiller technique du Ministre Délégué à la Présidence de la République, chargé de la Défense ;
  • Madame le Doyen de la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAC ;
  • Messieurs les Officiers de commandement ;
  • Capitaine de Vaisseau NDUTUMU Samuel Sylvain, Sous-Chef plan/État-major des armées ;
  • Colonel ABANDA Bernard, commandant de l’École d’État-major ;
  • Colonel NANG ZENGUE Roger, commandant de l’École Militaire Interarmées ;
  • Messieurs les Officiers supérieurs ;
  • Chers enseignants, en vos titres, grades et rands respectifs ;
  • Chers invités ;
  • Chers étudiants ;
  • Mesdames et Messieurs.

J’ai le plaisir de vous souhaiter au nom de S.E. Mgr Jean MBARGA, Grand Chancelier de l’UCAC, une chaleureuse bienvenue à l’Université catholique d’Afrique centrale, à l’occasion du colloque international organisé par la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’UCAC sur le thème : « La guerre et la science politique : est-il encore possible de penser le politique ? »

Je voudrais remercier de manière tout à fait particulière, S.E. monsieur le Ministre d’Etat, Ministre de l’Enseignement Supérieur, Chancelier des Ordres Académiques, qui a accepté de parrainer cet évènement scientifique. Effet, dans le contexte interne de notre Université, marquée en cette fin d’année par une vitalité notoire de notre Conseil scientifique, les assises de la recherche, grande est ma joie de constater que notre jeune Faculté des sciences juridiques et politiques, vielle d’à peine trois ans, caresse l’ambition d’imprimer sa marque en matière de formation d’une élite scientifique, politique et gouvernante dans la Sous-Région Afrique centrale.

Cette ambition facultaire correspond ainsi à la volonté des Evêques de l’ACERAC (Association des Conférences épiscopales d’Afrique centrale), Pères fondateurs de cette Université, qui, en ouvrant de manière quasi inhabituelle aux usages ecclésiaux classiques, une Faculté exclusivement dédiée aux études profanes de droit et de science politique, entendaient ainsi prolonger la mission d’évangélisation de l’Eglise catholique à travers le munus docendi (Mission d’enseignement). Autrement dit, l’Eglise experte en humanité, a voulu se servir des moyens de son temps pour évangéliser les intelligences dans les domaines du droit et de la science politiques : une sorte de pastorale des intelligences selon l’expression de Mgr Jean Zoa de regretté mémoire. Il s’agit donc de former les citoyens des pays de l’Afrique centrale aux valeurs chrétiennes de la paix ainsi qu’aux valeurs humaines de la paix, fruit recherchés par le droit et la politique.

Et pourtant, la guerre comme réalité sociale s’impose à l’humanité. La longue histoire de Fernand Braudel rend compte de ce que la guerre dans l’histoire de l’humanité a connu des destins contradictoires. Nécessité d’édification des nations et opportunité historique pour la structuration de la société internationale d’une part, elle a aussi été, quelques fois, un moment critique et de grande désolation pour le genre humain.

À travers les cycles de l’histoire, la guerre a servi comme modalité structurelle de civilisation des mœurs et de formation des nations. C’est par le conflit et la confrontation nécessaires ou mimés, que se sont formés les communautés humaines ; chaque crise servant à rapprocher un peu plus les hommes et consolider l’idée de la communauté politique et du lien partagé de civilité et de citoyenneté. C’est la guerre, dira-t-on, qui est mère de l’Etat ; cette centralité de la guerre étant magnifiée avec Clausewitz, qui y a vu une manière privilégiée de faire la politique autrement. En Afrique, nous pouvons revendiquer et manifester notre fierté d’appartenir à un grand continent et à des nations prospères, parce que nous partageons avec les héros des indépendances, les gains des guerres de libération et d’indépendances de nos Etats.

Les vertus de la guerre, vous excuserez l’oxymore, s’il y’en a, ont également contribué à la construction du monde tel que nous le vivons aujourd’hui. C’est au cours de l’un des épisodes problématiques de la rencontre entre les peuples que naîtra ce qui sera appelé le système international, les valeurs de souveraineté, de respect mutuel et de responsabilité internationale des Etats, ayant été acquis à l’issue de la guerre des 30 ans. L’Etat contemporain, qui est souvent dit westphalien, est l’héritage le plus palpable de cette étape glorieuse de l’histoire de l’humanité. La réalité impose quotidiennement un devoir de mémoire sur la construction du système international impulsé par les deux grandes guerres. Le monde est régulièrement mu par la dynamique des ordres internationaux que la guerre contribue à moduler au gré de ses occurrences. La guerre actuelle en Ukraine nous renseigne suffisamment sur cette dialectique des ordres internationaux, le monde semblant entrer dans un nouveau cycle politique.

Et la guerre n’en finit pas de s’épanouir. L’apparition de la guerre cybernétique ouvre une nouvelle page de ses modalités dont on connaît des formes plus ou moins symboliques entre les religions, les civilisations, etc.

Cette embellie de la guerre est sans conteste également la plus grande misère qu’aura connu le monde. Car, la guerre s’est émancipée au détriment de l’homme et de Dieu. Si la guerre est devenue si résiliente, c’est parce qu’elle n’a pas su quitter le cœur des hommes et qu’elle a nourri les ressentiments les plus abjectes. La haine, le mépris des autres, le goût de la vengeance et souvent aussi une expression trop violente des extrémismes religieux sont aujourd’hui encore les voies royales à travers lesquelles s’incruste le venin de la guerre. Et permanemment, les promoteurs de la guerre alourdissent la dette due à l’humanité et à Dieu par des centaines de milliers de morts qui jonchent les pavés de nos villes, quartiers et villages. Le souvenir est vivace des hécatombes, proches, des deux guerres mondiales, des guerres de libération, des attaques du 11 septembre, des crimes que perpètrent sans raison les groupes terroristes, etc.

C’est dans ce sens que l’Eglise catholique à travers l’encyclique bien connue du Saint Pape Jean XXIII, Pacem in terris, appelle l’humanité à privilégier la paix. Cette encyclique structurante sur la paix, se fait l’écho aux hommes et aux femmes de notre temps, du message évangélique de Notre Seigneur Jésus Christ qui, en ces jours d’attente de l’Eprit Saint, est mis en lumière par Sa prière sacerdotale sur l’unité, c’est-à-dire, la paix. L’Encyclique Pacem in terris, fruit de la guerre froide en 1963, peut être prolongée par Frattelli Tutti sur l’amitié sociale et la fraternité universelle. Tel est le cap et l’orientation que se donne la vision de l’Eglise et qui, à la faveur de l’encyclique Veritatis Gaudium, recommande un enseignement et une recherche universitaire tournés vers l’éthique de la paix. Tout ceci peut sembler angélique au regard de la réalité sociale et politique.

Eh bien, que non !  C’est pourquoi la présente activité doit traduire en langage scientifique, ces orientations prophétiques.

Excellences, mesdames et messieurs, Chers Collègues, étudiantes et étudiants, le thème de ce colloque, en se demandant, s’il est encore possible de penser le politique face à la guerre, consiste aussi à se demander si la science politique peut penser la guerre. Problématique fort intéressante dans la mesure où la science politique, qui pense la politique, c’est-à-dire de manière prosaïque, la manière d’organiser la Cité, amène à se demander si la science politique peut aussi penser la guerre, c’est-à-dire, la désorganisation de la Cité.

Ce questionnement est d’autant plus pertinent que cela ne va pas de soi ; étant donné que la science politique française par opposition à la science politique américaine a longtemps hésité à mobiliser la guerre comme objet heuristique et épistémologique. Et cette hésitation était légitime quand on se rappelle le discrédit qu’avait connu la géopolitique au lendemain de la deuxième guerre mondiale avec la comparution de son promoteur, Karl Haushofer au Tribunal militaire de Nuremberg : il était accusé d’avoir construit une discipline heuristique ayant favorisé la guerre. Mais, il fallait bien opérer un dépassement de cette tragédie pour penser la guerre à partir d’une utopie qu’est la paix.  Car, on ne peut interdire au cancérologue de penser les soins du cancer.

Mesdames et messieurs, la science politique doit effectivement penser la guerre, tout comme face à la guerre, le politique doit se penser. L’occasion de cette conférence offre donc l’opportunité de questionner ce rapport critique à la guerre. Mettre en débat la manière dont les communautés d’hommes dont le lien de civilité constitue l’activité politique, permet ainsi de dialoguer sur leur coexistence au cœur de la guerre, de ses tares, affects et avatars. En d’autres termes, comment le politique en tant que lieu de promotion du vivre-ensemble peut inventer des formes d’expression autres que le conflit et la guerre ?

Fondamentalement, il va s’agir pendant ces deux jours de réfléchir à la manière dont le politique et la guerre coexistent et comment le premier peut, non pas brider ou neutraliser le second, mais sur la manière dont le politique peut civiliser la guerre et promouvoir une humanité plus fraternelle.

Je voudrais avant de clore mon propos, dire ma gratitude à nos invités de marque et à Mme le Doyen de la Faculté de Sciences Juridiques et Politiques.

Merci au Pr Chantal BELOMO, Chef de Département de Sciences Politiques qui aura tout investi pour que cette épiphanie scientifique de notre nouvelle Faculté ait lieu.

Merci au Pr Luc SINDJOUN, Conseiller Spécial du Président de la République du Cameroun, qui a accepté de prononcer la Conférence Inaugurale de ce Colloque.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter, un bon séjour à l’UCAC, et que Dieu nous éloigne de la guerre, nous accorde la paix, qui est le nouveau nom du développement selon l’expression du Saint Pape Paul VI dans l’Encyclique Populorum progressio. C’est avec ces paroles que je déclare ouvert, le Colloque International sur : « La guerre et la science politique : Est-il encore possible de penser le politique ? ».

Abbé Pr Jean Bertrand SALAL
Recteur

 

Quelques images du colloques :

UCAC-ICY