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ITINERAIRE-PEDAGOGIQUE-INNOVANT—RECAPITULATIO

ITINERAIRE PEDAGOGIQUE INNOVANT : RECAPITULATIO

03-12 décembre 2024

Enseignements Haut Niveau en Philosophie Africaine :

Une Pédagogie au Service de l’Innovation

Le 3 décembre 2024 la Faculté de Philosophie de l’Université Catholique d’Afrique Centrale a donné le coup d’envoi de l’Itinéraire Pédagogique Innovant (IPI), constitué par des Enseignements de Haut Niveau en Philosophie Africaine (EHNPHA), marquant une étape décisive dans la réinvention des savoirs et des pratiques académiques.

En réalité, l’Itinéraire Pédagogique Innovant lancé par la Faculté de Philosophe de l’UCAC s’inscrit dans la stratégie de capacitation des étudiants. Il répond au souci de d’optimiser les compétences des étudiants dans le domaine philosophique. Quatre séances en visio-conférences sur des thèmes importants notamment dans le développement de la réflexion philosophique en Afrique. Les cours avaient trait à la question de la méthodologie, mais également à l’ouverture de la philosophie africaine à des domaines particuliers. Tels que l’Intelligence Artificielle, le panafricanisme et ses ramifications (Néo-panafricanisme, Hyper-panafricanisme, Trans-panafricanisme) et la religion.

Comme lignes directrices et ambitions heuristiques, les Cours devraient fournir aux étudiants de la faculté les éléments nécessaires pour pouvoir impulser un certain développement dans la pratique de la philosophie en contexte africain.

 

1er JOUR / 03 DECEMBRE 2024 : METHODOLOGIE ET TECHNIQUES SCRIPTURAIRES NOUVELLES EN PHILOSOPHIE AFRICAINE (Pr DIDIER NGALEBAYE)

Ce cours nous a été présenté par le professeur Didier Ngalebaye, Maître de conférence de philosophie/CAMES, Université Marien Ngouabi, Brazzaville, Congo. Le cours vise à aborder des questions critiques liées au développement des nations africaines par le biais de méthodes d’enseignement et de recherche philosophiques innovantes. Il examine l’état actuel de l’éducation et de la recherche philosophique dans les universités mondiales, soulignant la nécessité d’engager des méthodes qui améliorent l’inquiry philosophique et contribuent au développement humain. Le cours est structuré en trois parties : l’état actuel des programmes d’enseignement et de recherche, l’incompatibilité de ces programmes par rapport aux objectifs de la philosophie et l’itinéraire critique et technique de haut niveau, pour la réorganisation des programmes d’enseignement et de recherche philosophique dans les universités du monde.

Dans la première partie, le professeur aborde la question de la recherche et des programmes académiques liés à la philosophie, spécifiquement dans le contexte de l’Afrique centrale. Il mentionne divers cours offerts au sein de notre faculté de philosophie et celui du Département de philosophie de la faculté des Lettres, Arts et Science Humaines de l’université Marien Ngouabi, notamment des sujets tels que la philosophie médiévale et la philosophie de l’éducation, etc…

Dans la deuxième partie, le professeur se penche sur la question de l’incompatibilité entre les programmes actuels d’enseignement philosophique et la nature même de la philosophie. Il met en avant les contributions historiques des penseurs anciens comme Thalès, Pythagore, Platon et Aristote, en soulignant leur dette philosophique envers les connaissances égyptiennes. Ces philosophes ont reconnu leur apprentissage auprès des prêtres égyptiens, ce qui contredit l’idée d’une origine philosophique purement grecque. Il souligne également les écoles de pensée égyptiennes anciennes qui datent avant la philosophie grecque, suggérant que la philosophie provient des traditions égyptiennes plutôt qu’uniquement de la Grèce. Il critique la vision euro centrique de la philosophie et appelle à la reconnaissance des contributions de la pensée africaine au développement des idées philosophiques.

La troisième partie va concerner la réorganisation des programmes d’enseignement et de recherche philosophique dans les universités du monde entier. Il remet en question la vision centrée sur l’Occident de la rationalité mondiale et propose un nouveau modèle de rationalité qui surmonte les conflits existants. Pour Didier Ngalebaye, l’importance de l’honnêteté intellectuelle, de l’histoire interculturelle et des considérations éthiques dans la poursuite de la vérité et de la sagesse. Il suggère une nouvelle approche de l’enseignement et de la recherche, mettant l’accent sur l’innovation cognitive inter-transdisciplinaire et une compréhension plus inclusive de l’histoire mondiale. Le modèle proposé vise à combler les divisions créées par les politiques et l’économie, promouvant une approche plus objective et inclusive de l’éducation et de la recherche.

 

2ème JOUR / 05 DECEMBRE 2024 : PHILOSOPHIE AFRICAINE ET INTELLIGENCE AFRICAINE (Pr AUGUSTE NSONSISSA)

Le second cours a été donné par le professeur Auguste Nsonsissa (Professeur Titulaire CAMES de l’Université Marien Ngouabi). Il traitait de la question du rapport entre la philosophie africaine et la technologie, plus particulièrement le cas de l’Intelligence Artificielle. Ici, il était question principalement de voir comment implémenter l’usage et les réflexions autour de l’IA dans le domaine philosophique en Afrique.

Au sujet de la source de l’Intelligence Artificielle, le professeur Nsonsissa relève qu’il est difficile de penser l’Intelligence Artificielle sans prendre en compte la logique formelle. Il est important de prendre en compte notamment l’action du langage, de l’esprit, de l’imagination. La construction de quelque chose de logique, prenant en compte des calculs. Voici comment on pourrait résumer l’IA, c’est-à-dire un ensemble bien structuré suivant des règles précises dans le traitement et l’agencement des données. Vis-à-vis de cette forme d’intelligence, l’humain doit avoir un certain comportement. Car les deux sont intrinsèquement liés. Selon le professeur Nsonsissa, l’information venant de l’IA implique une formation et nécessairement une transformation de l’être humain.

Il est intéressant de voir que l’Intelligence Artificielle est l’objet de plusieurs approches. La définition de ce concept n’est pas toujours évidente de par les différentes approches. Elle est dans certains cas considérée comme une aubaine pour l’espèce humaine. Elle facilite énormément de choses et améliore l’efficacité dans le traitement des tâches. Mais pour le philosophe, il faut la mettre dans la section des problèmes. En ce sens où il s’agit d’un sujet de réflexion assez complexe. Certes elle aide l’humanité, mais philosophiquement elle doit être remise en cause. « Si nous ne nous occupons pas de l’Intelligence Artificielle, elle va nous occuper » souligne le professeur Nsonsissa.

Egalement, il est important de penser l’Intelligence Artificielle dans le cadre du développement. Etant un outil pour ce dernier, il est important pour nous d’encadrer l’usage de l’Intelligence Artificielle. Elle doit être maîtrisée et utilisée avec parcimonie. Elle est une passerelle non négligeable vers d’autres domaines (économie, politique, etc.), ce que le professeur nomme la « philosophie du réseautage » (mise en commun des savoirs par le biais de la technologie)[1]. Il y a une nécessité pour l’Afrique de s’ouvrir à la technologie afin d’ouvrir une perspective africaine de l’usage de l’IA. Il est tout aussi important pour nous d’aller vers l’invention, la découverte et la création des concepts utiles.

Cependant, l’autonomie humaine est ici en danger. En effet, la technologie est un vecteur de plusieurs dérives qu’elles soient éthiques, sociales, etc. Il est important de mettre en avant les préoccupations morales pour lutter contre les dérives de l’IA et de la technologie en général. Humaniser nos rapports avec le numériques et les éléments techniques. C’est l’intelligence humaine qui doit réguler l’Intelligence Artificielle.

 

3ème JOUR / 10 DECEMBRE 2024 : PHILOSOPHIE AFRICAINE, PANAFRICANISME, NEO-PANAFRICANISME, HYPER-PANAFRICANISME, TRANS-PANAFRICANISME (Pr ROGER MONDOUE)

Le 3ème Cours a été l’œuvre du professeur Roger Mondoué, Professeur Titulaire de l’Université De Douala. Il portait sur la problématique du Panafricanisme. Le panafricanisme représente une vision sociale, culturelle, économique qui a émergé au XIXe siècle et a connu les évènements comme (l’abolition de l’esclavage, le congrès de vienne, le racisme scientifique) son premier leader fut Marcus Garvey. C’est une opération de dignification et d’unification de notre continent, de conscience de soi, et de la lutte contre l’oppression. Il n’y a pas de développement à concevoir en Afrique en dehors du panafricanisme. C’est l’avenir de la jeunesse africaine, insistait le professeur tout au long de ce cours. Pour justifier cela, il a orienté son discours sur trois arrêts : comment le panafricanisme s’inscrit aux réalités de la philosophie africaine ? Comment du point de vue historique le panafricanisme s’est construit et constitué en tant qu’écosystème de pensée intellectuelle apte de sortir l’Afrique de l’ornière ? Et dans ses différents jeux conceptuels ensuite voir ses épanchements, les contorsions et rétorsion en quelques nués panafricanisme, hyper-panafricanisme et Trans-panafricanisme.

            Pour comprendre donc les contours du panafricanisme dans la pensée africaine, le professeur nous a proposé de recourir à la typologie proposée par le professeur Henry Odera Oruka, qui distingue quatre grandes tendances philosophiques à savoir : L’ethnophilosophie (une philosophie ancrée dans la culture, avec les partages de sagesse au sein des groupes par les mythes…) ; de la sagacité philosophique (capacité d’articuler des réflexions philosophiques complexes) ; de la philosophie professionnelle (Soumettre les idées de la philosophie africaine à une vérification rigoureuse et favoriser le dialogue interculturelle) ; et des courants idéologiques et nationalistes (dénoncer les méfaits du colonialisme, de l’impérialisme et du néocolonialisme et valoriser le patrimoine culturel africain, souvent méprisé par les colonisateurs).

L’héritage du panafricanisme est grand. Plusieurs penseurs africains comme Kwame Nkrumah, Sédar Senghor, Julius Nyerere et même Cabral qui a lutté pour l’indépendance de la Guinée, l’ont montré par : le consciencisme (conscience de soi et la nécessité de se libérer des influences étrangères) ; l’ujamaa (une philosophie socialiste basée sur les valeurs communautaires traditionnelles) ; la Négritude (un mouvement culturel et politique qui célèbre les valeurs et les spécificités de la civilisation africaine).

Trois concepts font le panafricanisme : Le Trans-panafricanisme (Ce concept dépasse les limites géographiques et historiques traditionnelles, incluant des dimensions spirituelles, culturelles et identitaires plus larges) ; l’Hyper-panafricanisme (une vision idéalisée, remise en doute des pouvoirs existants et lutte pour  La montée en puissance du mouvement Black Power aux États-Unis, la création de l’OUA en 1963, et le sixième Congrès panafricain en 1974, de l’afro-centrisme) ;  le Néo-panafricanisme (lutte pour l’unité africaine, le développement économique et la renaissance culturelle).

4ème JOUR / 12 DECEMBRE 2024 : PHILOSOPHIE ET RELIGION EN AFRIQUE A (Pr EMMANUEL M. BANYWESIZE)

Dans le cadre de ce cours, il s’agissait, pour le professeur Emmanuel M. Banywesize, Professeur ordinaire de l’Université de Lubumbashi, de nous proposer une sorte d’évaluation de la philosophie africaine de la religion en nous démontrant, d’une part, que la question religieuse a été ignorée dans les grands débats philosophiques en Afrique ; et, d’autre part, que cette question étant présente dans les ouvres des philosophes africains. Ils ont été abordées pour la mise en application de la théologie de la morale au sociale et à la politique.

Pour le professeur, la Patristique et la Scolastique n’ont pas seulement influencé certaines pratiques de la philosophie morale, sociale et politique en Afrique mais elle est également mise en perspectif de répondre à partir de la religion à un besoin de fonder la société humaine et de maintenir la stabilité sociale pour la paix de chaque membre à partir des impératives nouveaux, comme des valeurs et des pratiques communes qui participent en même temps à discipliner les âmes et à les orienter vers une autre réalité d’existence et d’accomplissement au-delà de la finitude qui définit la condition humaine.

Dans la religion bouddhiste, par exemple, on croit à l’incarnation de l’âme alors dans le christianisme, il est question de la survivance de l’âme dans le paradis. Selon les croyances religieuses africaine dans la philosophie bantu, la vie ne s’arrête pas avec la mort mais elle continue dans l’univers des ancêtres. La religion est conçue en tant que réponse à un besoin social et à un besoin individuel n’intéresse pas seulement les théologiens mais aussi les philosophes, les scientifiques, les sociologues et les anthropologues. La religion est approchée alors à trois orientations basiques : celle qui la considère comme un lien entre les humains revigorés ; celle qui la pense comme un lien entre l’humain et le divin ; ou encore, les deux à la fois.

Après avoir exposé la question de la religion en Afrique, le professeur nous a proposé le plan de se dérouler du cours qui est axé sur trois phrases :

  • Philosopher aujourd’hui à partir de l’Afrique autant de crise
  • Montrer la présence de la patristique et de la scolastique au cœur de la philosophie africaine
  • La philosophie de la religion est une application précéder comme une application théologique à la morale, au sociale, politique en Afrique selon les philosophes contemporains

Pour aborder la première phase, le professeur part d’une question. Pour lui, que signifie philosopher à partir de l’Afrique autant de crise ? De son point de vue, et s’efforcer de problématiser, de conceptualiser et d’argumenter, il s’agit de nous montrer sans cesse à partir des multiples expériences et des savoirs, les sens et les enjeux des problèmes de nos Etats agités et les turbulences et les crises. Selon le professeur, philosopher et éduquer ont en commun le fait d’offrir à l’être humain une possibilité de construire l’humanité dans la pluralité de devenir épistémique. Philosopher à partir de l’Afrique c’est œuvré dans le sens de décentrement par rapport aux appels de l’identité à l’élargissement du champ de compréhension de la résolution de la crise anthropologique de notre temps.

La présence de la patristique et de la scolastique dans la philosophie africaine. Pour le professeur, la patristique et la scolastique sont deux mouvement philosophique qui ont eu une influence significative sur le développement de la philosophie en Afrique. La patristique selon lui c’est un mouvement qui a émergé au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne et qui a été caractérisé par l’importance accordée à la foi et à la théologie. Les philosophes africains ont été influencés par la patristique, en particulier dans leur compréhension de la relation entre la foi et la raison. La scolastique, quant à elle, est un mouvement philosophique qui a émergé au Moyen-Age et qui a été caractérisé par l’importance accordée à la logique et à la métaphysique. Les philosophes africains ont été influencés par la scolastique, en particulier dans leur compréhension de la nature de la réalité et de la relation entre l’homme et Dieu.

Sur la troisième partie, qui concerne la philosophie de la religion, le professeur disait que c’est un domaine riche et complexe qui continue d’être étudié et débattu par les philosophes contemporains. Elle offre une perspective intéressante sur la manière dont la religion peut être utilisée pour promouvoir la justice sociale et l’égalité, mais aussi sur la manière dont elle peut être utilisée pour justifier des pratiques oppressives et des inégalités

  En terminant, il a lancé un appel vibrant : « Philosopher en Afrique, c’est également repenser nos politiques à travers le prisme de nos croyances et de nos valeurs. La philosophie doit nous aider à bâtir des sociétés justes et harmonieuses. »

Somme et projet de l’Itinéraire Pédagogique Innovant :

Un Appel à l’Action et à la Réflexion

Ces quatre conférences ont posé des bases solides pour réfléchir sur la place de la philosophie africaine dans un monde en pleine transformation. Elles invitent les participants à contribuer activement à cette dynamique intellectuelle. La prochaine étape de cet itinéraire pédagogique s’annonce tout aussi stimulante, avec des thématiques sur la Philosophie phénoménologique et l’Herméneutique en Afrique.

Prof. Stève Gaston BOBONGAUD, Initiateur de l’Itinéraire Pédagogique Innovant

Assistant, Marc Vianay NANGA ELLEME

Etudiants de Philosophie

Quelques Images : 

UCAC-ICY