Séminaire Spécialisé de Philosophie Politique (SESPHIPO)
Séminaire Spécialisé de Philosophie Politique (SESPHIPO)
Les métamorphoses de la démocratie
De l’antiquité aux temps actuels
Lieux et enjeux africains
Recherches en Philosophie et Sciences Politiques
Faculté de Philosophie (UCAC) / Année académique 2023-2024
Campus de Nkolbisson, 9-12 avril 2024
En collaboration avec La Faculté de Sciences Juridiques et Politiques de l’UCAC (Pr Pélagie Chantal BELOMO ESSONO) Le Département de Philosophie de l’Université Marien Ngouabi (Pr Maxime AKANIS AKANOKABIA) Le Département de Philosophie de l’Ecole Normale Supérieur de l’Université de Maroua (Pr Pierre TCHIMABI) |
Proposition Heuristico-Pédagogique Innovante
Pr Abbé Stève Gaston BOBONGAUD
Doyen a. i. de la Faculté de Philosophie de l’UCAC
Argumentaire et orientations heuristiques
Dans ce Séminaire Spécialisé, nous voulons explorer les chemins antiques, modernes et contemporains de la démocratie. Il s’agit de parcourir les sentiers zigzagués du fait démocratique, depuis son émergence et son déploiement en Grèce antique, avant d’envisager ses manifestations et d’analyser les itinéraires qu’elle a empruntés en contexte africain. Pour initier notre cheminement heuristique, nous avons convoqué trois auteurs contemporains. Ceux-ci vont nous donner d’entrevoir l’épreuve à laquelle nous nous livrons en choisissant de thématiser l’objet épistémique hétérogène et la réalité complexe que représente la démocratie.
Tout discours sur le terme « démocratie » est aujourd’hui faussé par une ambigüité préliminaire qui condamne au malentendu ceux qui l’emploient. De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de démocratie ? De quelle rationalité le terme relève-t-il au juste ? Une observation tant soit peu attentive montre que ceux qui débattent aujourd’hui sur la démocratie entendent par ce terme tantôt une forme de constitution du corps politique, tantôt une technique de gouvernement. Le terme renvoie donc à la conceptualité du droit public et à celle de la pratique administrative : il désigne aussi bien la forme de légitimation du pouvoir que les modalités de son exercice[1].
Voici deux autres constats parallèles et tout autant complémentaires faits par Marc-Olivier Padis (décryptant la pensée politique de Marcel Gauchet) ainsi que Georges Burdeau :
La démocratie ne se réduit pas à sa définition canonique. Elle prend en effet différents visages dans l’histoire humaine : il faut donc la concevoir comme un phénomène historique. […] Mais il faut aller plus loin car elle n’est pas un objet d’étude seulement pour l’historien ou le spécialiste des régimes politiques, elle est aussi un sujet de réflexion pour celui qui veut comprendre les interrogations, les croyances et même les maladies de l’homme qui vit en démocratie[2].
La démocratie est aujourd’hui une philosophie, une manière de vivre, une religion et, presque accessoirement, une forme de gouvernement. Une signification aussi riche lui vient tant de ce qu’elle est effectivement que de l’idée que s’en font les hommes lorsqu’ils placent en elle leur espérance d’une vie meilleure. […] L’ampleur et la densité du phénomène risquent de paralyser l’examen en obligeant l’observateur à passer sans cesse d’un plan à un autre et à modifier du même coup ses perspectives, ses méthodes et les valeurs qui servent de centre de référence. Il lui faut être tout à tour historien pour comprendre comment s’est formée l’idée démocratique, sociologue pour en étudier l’enracinement dans le groupe social, économiste pour rendre compte des facteurs matériels qui agissent sur son évolution, psychologue pour saisir, dans les représentations que s’en font les individus, la source de l’énergie dont elle se nourrit, théoricien politique pour analyser l’incidence des systèmes et des doctrines, juriste enfin pour définir les institutions tant privées que politiques dans lesquelles elle se concrétise. Une telle juxtaposition de compétences, si contraire à la spécialisation scientifique, a de quoi décourager celui qui entreprend une étude d’ensemble de la démocratie[3].
À travers ces longues citations, nous pouvons clairement imaginer les difficultés auxquelles peut être confronté tout penseur ou tout chercheur qui veut entrer lucidement dans le royaume épistémique constitué par la réalité qu’est la démocratie. En fait, il existe une multitude de discours et d’approches du phénomène démocratique. À son sujet, on rencontre une pluralité de conceptions et une diversité de conceptualisations. Les fondements et orientations du penser-à-la-démocratie apparaissent toujours-déjà comme multiples et variés. Ils se trouvent éclatés et connaissent même une propension à l’écartèlement.
On trouve des discours politiques, politologiques, juridico-politiques, militaro-stratégiques autour du fait démocratique. Au plan épistémologique, on note des approches inhérentes aux sciences humaines et sociales, aux sciences économiques, aux techniques et technologies de l’information et de la communication… Le périmètre démocratique est aussi visité et jaugé à partir de référents axiologiques, éthiques, esthétiques, symboliques, théologiques… On signalera également des discours pro-démocratiques à fondement et fonction historiques, géographiques, géostratégiques…, ainsi que des rhétoriques, des herméneutiques, des critiques et pratiques sur fonds culturels, culturalistes, traditionnels, cosmo-symboliques… Le présent Séminaire se donne l’ambition de visiter et intelligibiliser l’ensemble de ces sites actifs avant d’explorer les chemins africains de la démocratie.
Comme nous le savons, en Afrique, la démocratie est née, en quelque sorte, par césarienne. Elle n’est pas le fait d’un accouchement naturel. Elle correspond plutôt à une opération chirurgicale inhérente à un cheminement événementiel. Pour saisir le sens et spécifier les dimensions, les jeux et enjeux africains de la démocratie, il paraît toujours loisible de l’inscrire dans le grand ensemble constitué par la rationalité politique au sein du continent. Ce qui donne d’envisager la texture historico-événementielle de la réalité démocratique en contexte africain.
Pour atteindre nos ambitions heuristiques au cours de ce parcours théorique, nous allons tout d’abord présenter les fondements et opérer une visite des sites historiques du fait démocratique. Dans un second moment, nous entreverrons les métamorphoses de la démocratie au niveau contemporain. Notre cheminement va culminer dans le décryptage et la saisie globale de la réalité démocratique dans l’espace continental africain.
Au plan méthodologique, le Séminaire se déroulera en deux moments complémentaires :
Le 1er moment sera constitué par des communications magistrales.
Le 2nd moment va consister en des échanges dynamiques et des mini-exposés des participants.
Axes et thèmes généraux du Séminaire
I. Fondements et déploiements historiques
- Concept général et paradigmes majeurs de la démocratie
- Rationalité et fonctionnalité de la démocratie
- La démocratie entre systèmes et valeurs
- La démocratie dans les temps anciens
- La démocratie dans les temps modernes
II. Expressions et transformations contemporaines
- La démocratie dans tous ses états. Déclinaisons et transformations en contexte contemporain : hyper-démocratie, para-démocratie, éco-démocratie, cosmo-démocratie, trans-démocratie, turbo-démocratie…
- La haine de la démocratie : essai sur Jacques Rancière
- Démocratie et éducation : fondements, exigences et stratégies
- La démocratie entre économie et écologie
- Inépuisable et intangible démocratie : jeux politiques et enjeux stratégiques. Herméneutique des recherches de Chantal Pélagie Belomo Essono.
III. Orientations et ouvertures africaines
- Les métamorphoses de la démocratie en Afrique (variations épistémologiques et politiques) : théo-démocratie, ethno-démocratie, mytho-démocratie, ego-démocratie…
- De la démocratie en Afrique ou de la démocratie africaine : entre organisation universelle et traditions locales – systèmes, structures, valeurs
- Religion(s) et démocratie en contexte africain : entre paix et violence
- Démocratie et construction de la mémoire en Afrique
- L’espérance de la démocratie en Afrique : transitions et transfigurations
Bibliographie indicative
- Agamben (Giorgio) et alii, 2009, Démocratie, dans quel état ?, Paris. La Fabrique.
- Angoundza Mbella (Armel), 2023, Les métamorphoses de la démocratie. De la genèse à l’heure actuelle, Paris, L’Harmattan [Pour Comprendre].
- Apel (Karl-Otto), 1994, Éthique de la discussion, Paris, Cerf [Humanités].
- Aristote, 2015, Œuvres complètes, trad. Pierre Pellegrin, ed., Paris, Flammarion.
- Baume (Sandrine), 2007, Plaider la démocratie, Paris, Michalon [Le bien commun].
- Belomo Essono (Chantal Pélagie), 2017, Intangible et inépuisable démocratie, Paris, Publibook.
- Blondiaux (Loïc), 2008, Le nouvel esprit démocratique, Paris, Seuil [La République des idées].
- Bobongaud (Stève Gaston), 2011, La dimension politique du langage. Essai sur Éric Weil, Rome, GBP (Analecta Gregoriana 313).
- Burdeau (Georges), 1956, La démocratie, Neuchâtel, La Baconnière.
- Canivez (Patrice), 1993, Le politique et sa logique dans l’œuvre d’Éric Weil, Paris, Kimé.
- Canto-Sperber (Monique), ed., 1996, Dictionnaire d’éthique et de philosophie morale, Paris, Puf.
- Cohen-Tanugi (Laurent), 1989, La métamorphose de la démocratie, Paris, Odile Jacob.
- Dessinga (Giscard-Kevin), 2017, Nouvelles perspectives de la démocratie en Afrique. Freins, défis et opportunités, Paris, Mon Petit Editeur.
- Dosso (Faloukou), 2015, L’universalisation de la démocratie. Vers la théorie habermassienne de la démocratie, Paris, L’Harmattan [Études Africaines / Série Philosophie].
- Dumont (René), 1991, Démocratie pour l’Afrique. La longue marche de l’Afrique noire vers la liberté, Paris, Seuil [L’Histoire immédiate].
- Ferry (Jean-Marc), 1994, Philosophie de la communication, 1, 2, Paris, Cerf [Humanités].
- Gauchet (Marcel), 2017, Le nouveau monde. L’avènement de la démocratie IV, Paris, Gallimard [Bibliothèque des sciences humaines].
- Goupayou Goupayou (Hervé), 2022, Comprendre les fondements de la démocratie. Tome 1 : Platon et le procès de l’anarchie démocratique, Paris, Connaissances et savoirs [Philosophie & Sociologie].
- Goupayou Goupayou (Hervé), 2022, Comprendre les fondements de la démocratie. Tome 2 : Aristote et les jalons de la démocratie moderne, Paris, Connaissances et savoirs [Philosophie & Sociologie].
- Habermas (Jürgen), 1992, De l’éthique de la discussion, Paris, Cerf [Passages].
- Habermas (Jürgen), 1997, Droit et démocratie. Entre faits et normes, Paris, Gallimard.
- Kä Mana, 2009, L’Afrique, notre projet. Révolutionner l’imaginaire africain, Yaoundé, Terroirs [Penser l’éducation].
- Kom (Ambroise), 1996, Éducation et démocratie en Afrique. Le temps des illusions, Paris, L’Harmattan [Études Africaines].
- Münster (Arnaud), 1998, Le principe « discussion ». Habermas ou le tournant langagier et communicationnel de la théorie critique, Paris, Kimé.
- Nay (Olivier), 2007, Histoire des idées politiques, Paris, Armand Colin.
- Onaotsho Kawende (Jean), 2016, Démocratie, technoscience et écologie. Champs pragmatiques de la rationalité pluraliste, Louvain-La-Neuve, Academia-L’Harmattan.
- Padis (Marc-Olivier), 1996, Marcel Gauchet. La genèse de la démocratie, Paris, Michalon [Le bien commun].
- Piotte (Jean-Marc), 2005, Les grands penseurs du monde occidental, Montréal, Fides.
- Rancière (Jacques), 2005, La haine de la démocratie, Paris, La Fabrique.
- Rawls (John), 1993, Justice et démocratie, Paris, Seuil.
- Raynaud (Philippe) et Rials (Stéphane), 2005, Dictionnaire de philosophie politique, Paris, Quadrige-Puf.
- Ricœur (Paul), 1991, Lectures 1, Autour du politique, Paris, Seuil [Points].
- Rosanvallon (Pierre), 2008, La Légitimité démocratique, les théories de l’intérêt général, Paris, Seuil.
- Rosanvallon (Pierre), 2006, La contre-démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil [Essais Points].
- Rosanvallon (Pierre), 2000, La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Paris, Gallimard [Bibliothèque des histoires].
- Savadogo (Mahamadé), 2013, Philosophie de l’action collective, Paris, L’Harmattan [Études africaines].
- Saves (Christian), 1994, Pathologie de la démocratie, Paris, Imago.
- Sintomer (Yves), 1999, La démocratie impossible ?, Paris, La Découverte.
- Strauss (Léo) et Cropsey (Joseph), ed., 1994, Histoire de la philosophie politique, Paris, Quadrige/Puf.
- Tagou (Célestin), 2017, Démocratie rotative. Transcendance et transformation politique des identités ethno-régionales dans l’État-Nation du XXIè siècle, Yaoundé, Presses des Universités Protestantes d’Afrique.
- Tarby (Fabien), 2009, Démocratie virtuelle, Paris, L’Harmattan [Ouverture philosophique].
- Touoyem (Pascal), 2014, Dynamiques de l’ethnicité en Afrique. Éléments pour une théorie de l’État multinational, Bamenda, Langaa et Centres d’Études Africaines.
- Valadier (Paul), 2007, Maritain à contre-temps. Pour une démocratie vivante, Paris, DDB.
- Walzer (Michaël), 1997, Pluralisme et Démocratie, Paris, Esprit.
- Weil (Éric), 1956, Philosophie politique, Paris, Vrin.
[1] Giorgio Agamben, 2009, « Note liminaire sur le concept de démocratie », in Démocratie, dans quel état ?, Giorgio Agamben et alii, Paris, La Fabrique. 2009, p. 7.
[2] Marc-Olivier Padis, 1996, Marcel Gauchet. La genèse de la démocratie, Paris, Michalon [Le bien commun], p. 8.
[3] Georges Burdeau, 1956, La démocratie, Neuchâtel, La Baconnière, pp. 9-10.
Contact et informations :
- Pr Stève Gaston BOBONGAUD : (+237) 676 99 86 68 / 655 06 57 94 ,
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